Réflexions sur le 1er pilier en Suisse
Introduction
En Suisse, la retraite est financée par un système de trois piliers:
- le premier, l'AVS et les prestations complémentaires (PC), est à répartition et financé par les actifs (et un fond de compensation); les années de cotisation et un revenu moyen important sont nécessaires pour toucher la rente maximum, les PC sont là pour les cas de rigueur
- le deuxième, la LPP, est sous forme de capitalisation individuelle, financée par l'employé et l'employeur, mais ne concerne que les personnes avec un revenu suffisant
- le troisième, non obligatoire, individuel et à capitalisation, existe sous deux formes: 3a (lié, destiné à la retraite, déductible des impôts comme le 1er et le 2e pilier jusqu'à un maximum), le 3b (plus libre)
Il s'agit d'un compromis permettant à un système étatique (AVS) de coexister avec des systèmes plus ou moins privatisés (LPP, 3a-3b): les avancées sociales, en Suisse, ne se produisent en général qu'avec un large compromis, notamment avec la droite, qui
insiste toujours pour ajouter du "marché" dans les systèmes (gestion privée des avoirs LPP, assurance-maladie privée et en concurrence, etc).
L'AVS est insuffisant
La constitution donne des idées à quoi devrait servir l'AVS. Comme souvent en Suisse, les dispositions constitutionnelles sont respectées à minima.
Le fait est que la rente maximum AVS (2024: 2520 CHF/personne/mois) ne suffit pas pour vivre dans beaucoup de régions de la Suisse.
L'AVS est face à des risques démographiques
Même si les prédictions catastrophiques des années 1970 ne se sont pas réalisées (l'immigration et la productivité ont permis à l'AVS de rester largement bénéficiaire, alors qu'elle aurait dû être en faillite déjà au début 2000),
d'autres prédictions, liées à la démographie de la Suisse et la non-finitude de son territoire, prédisent de graves problèmes dès 2030. Toutefois, il est important de noter que ces prévisions ont été récemment révisées vers
moins de catastrophisme.
D'ailleurs, des réformettes sont régulièrement engagées pour limiter l'accès aux prestations (aux enfants de retraités, aux personnes vivant à l'étranger, etc).
D'autres risques liés aux marchés concernent surtout le 2e et le 3e pilier et non pas l'AVS.
La gauche veut renforcer l'AVS
La gauche a de tout temps dénoncé les abus du 2e pilier et souhaité renforcer l'AVS. Il est toutefois toujours difficile pour elle de trouver un consensus, même avec le Centre.
Par exemple, la gauche a voulu renforcer les prestations complémentaires (PC), mais cela est plutôt allé en direction d'une restriction ensuite.
Elle a ensuite déposé deux initiatives:
- augmenter l'AVS pour tous de 10% (en sachant pertinemment que les hauts revenus n'ont avaient pas besoin), en augmentant les cotisations. refusé en 2016 par le peuple
- ajouter une 13e rente AVS (environ 8% d'augmentation) pour tous (2024, entrée en vigueur 2026)
La seconde initiative a passé. La droite a eu beau jeu de:
- dire préférer une augmentation des PC (ils venaient de sabrer dedans ...)
- regretter que les hauts revenus verraient également leur rente augmenter (aucun contre-projet déposé par la droite pour cette injustice flagrante, par exemple en excluant les hauts revenus du 13e ou en implémentant un barème dégressif)
- regretter que l'augmentation de TVA résultante péjorerait les rentiers (la droite aurait pu accepter un financement via les cotisations, comme proposait la gauche, plutôt que la TVA; d'un autre côté, qui consomme plus car plus riche, paie plus de TVA, donc cela reste social dans une certaine mesure: une espèce d'imposition à la dépense)
- regretter l'augmentation d'impôt résultante (quasiment négligeable pour les personnes ne touchant que l'AVS, donc plutôt sociale)
Bravo donc à la gauche pour ce progrès social, qui reste un progrès en particulier pour les rentes basses, malgré la proposition trop consensuelle et les obstacles au financement créés par la droite.
C'est probablement le prix de gagner devant le peuple!
Baisser les prestations? C'est le message de l'UDC
En conclusion, il faut rappeler la dissonnance cognitive d'une bonne partie de l'électorat de l'UDC, ce parti nationalisto-réactionnaire (ou d'extrême-droite, à votre option).
En effet, beaucoup de votants UDC sont de la classe moyenne inférieure (disons < 80k CHF/an de revenu). Pour cette classe de revenu, l'UDC a un message unique: baissons les impôts, cela bénéficiera à tous.
Sachant qu'une année scolaire coûte de l'ordre de 10 kCHF par enfant, que les routes, les transports publics, la sécurité, etc coûtent également, on peut se demander si la classe moyenne inférieure ne serait pas prétéritée par des baisses d'impôts.
En effet, sauf cas particuliers rares en Suisse, si l'on baisse les impôts, cela baissera évidemment les prestations offertes par l'Etat à la population.
Prenons l'exemple d'une famille avec 120k CHF de revenu annuel et deux enfants. On peut supposer que la somme des impôts fédéraux, cantonaux et communaux sera entre 10k et 20kCHF par an.
Rien que la scolarisation des deux enfants coûte déjà plus de 20kCHF/an. La classe moyenne a donc intérêt à ne pas baisser des impôts, pour ne pas avoir de coupes dans les prestations .. financées plutôt par les riches.
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MarcSCHAEFER - 30 Jan 2025