Vote électronique (e-voting), en particulier à Neuchâtel
Introduction
Le vote électronique, aussi parfois appelé e-voting ou eVoting, est souvent présenté comme un moyen d'intégrer les
citoyens à la vie politique, de simplifier et rendre plus rapide le dépouillement, et de faire des économies. Les
risques sont souvent rejetés grâce à des arguments divers, comme par exemple le fait que des systèmes similaires
sont utilisés dans les applications d'e-banking.
Le but de ce document est de donner quelques pistes visant à montrer que cette présentation simpliste du
vote électronique est complètement fausse:
- le vote électronique accentue la fracture numérique et éloigne les citoyens de la vie publique, tout en augmentant la proportion de votes de personnes n'étant absolument pas intégrées à la société civile
- le vote électronique va augmenter le coût, même à moyen terme
- le vote électronique augmente, parfois, le temps de dépouillement
- le vote électronique ne peut pas être "aussi sûr que l'e-banking", vu que ces deux applications sont tellement différentes qu'elles sont incompatibles
De plus, nous constatons plusieurs problèmes additionnels au vote électronique:
- toutes les solutions proposées jusqu'ici augmentent la centralisation du contrôle et automatiquement rendent une attaque à large échelle potentiellement plus efficace qu'avec les méthodes classiques de vote (même par correspondance)
- les concepts, protocoles et logiciels utilisés sont suffisamment complexes pour nécessiter des experts si l'on veut vérifier leur fonctionnement, mais ils sont rarement documentés de manière suffisante permettant à un expert extérieur de se faire une idée de la qualité de la solution (audit extérieur impossible), alors que l'audit des méthodes de vote classiques peut être réalisé par tout un chacun facilement.
- des résultats de la recherche en informatique théorique et sécurité montrent qu'il est très difficile, voire impossible, d'assurer que l'application effectivement utilisée en production est celle qui a été auditée (si un audit a été fait)
Nous pensons que ces failles rendront très difficile le jugement éventuel d'un tribunal amené à statuer sur la validité d'un
vote dont le nombre de votants électroniques étaient à même d'influencer le résultat. Cela pourrait amener à une
instabilité juridique dont la démocratie ne pourrait que pâtir.
Nous vous remercions de
commenter directement sur ce document, si vous avez des
éléments à apporter.
Détails des arguments
Le vote électronique augmente les coûts
L'argument principal est que cette dépense inutile et disproportionnée n'offre aucune possibilité d'économie même à moyen terme (les autres méthodes de vote restent actives!)
Autant un travail de recherche universitaire aurait pu justifier le développement de solutions, autant une utilisation en production
est absurde.
Le vote électronique contribue au désordre social
Il semble que les personnes utilisant la solution neuchâteloise sont principalement des fonctionnaires formés à l'outil et
disposant d'un poste de travail à peu près sécurisé. Il semble évident qu'à part quelques personnes très intéressées
par la technique, la difficulté de la procédure (signature d'un contrat, utilisation de sécurités plus complexes
que pour l'e-banking) comparée à p.ex. la simplicité du vote par correspondance, est un frein à l'acceptance.
Une fracture numérique de l'ordre social en résultera.
Il semble absurde d'encourager le vote de la 5e Suisse (Suisses de l'Etranger): faire voter des personnes sans lien avec la communauté locale, qui ont perdu toute notion de ce qu'est la Suisse aujourd'hui, alors que la plupart des Cantons
et la Confédération ne laissent pas le droit de vote à près de 20% d'étrangers qui travaillent, paient leurs impôts et sont
intégrés dans la Suisse d'aujourd'hui semble étonnant.
Il devient de plus en plus difficile de motiver des citoyens à s'investir dans la vie politique. Il est quasiment impossible de
faire signer des initiatives le dimanche matin au bureau de vote. La démocratie est un droit, et devrait être appréciée
à sa juste valeur. On peut regretter, et ainsi devenir aux yeux de certains un affreux passéiste, que la vie moderne ne permette plus de réserver quelques minutes le dimanche à cet exercice noble de démocratie directe, qui permettait aussi aux partis un contact direct avec les électeurs. Aujourd'hui, on vote chez soi et on signe les initiatives au centre commercial ou à la déchèterie.
On ne peut comparer e-banking et e-voting
Deux arguments sont constamment invoqués:
- L'incitation économique à une falsification d'un vote est inexistante
- l'e-banking fonctionne, on lui fait confiance, donc faisons confiance au vote électronique basé sur des technologies similaires.
L'incitation économique à une falsification d'un vote est effectivement peu justifiable. Cependant, le renseignement militaire et économique le sait bien: aujourd'hui, la destabilisation d'un pays passe par la création de logiciels espions, ou de "malware" spécifiquement ciblés. Des Etats comme l'Allemagne et bien sûr Israël (virus spécifique) et la Géorgie ont en été victimes. De plus, un logiciel similaire installé sur une base assez large de systèmes peut devenir la tête de pont d'une attaque visant des intérêts financiers directs (attaque contre une banque allemande par le Chaos Computer Club). Comme exemple de ces attaques croisées, citons également le piratage de comptes Google mail de résistants chinois effectuée grâce à une faille du logiciel Microsoft Internet Explorer. L'organisme suisse Melani recommande d'ailleurs l'abandon de ce logiciel car la faille n'a toujours pas été corrigée par Microsoft. Combien d'utilisateurs du portail de vote électronique utilisent
ce logiciel ?
Les critères de sécurité de l'e-banking sont très différents de ceux de l'e-voting. Faisons une comparaison courte:
e-banking |
e-voting |
l'identification et le suivi des transactions est très important |
on ne doit pas pouvoir associer un vote à une personne |
le décompte mensuel permet de détecter des fraudes |
aucune confirmation de vote non falsifiable ne peut être générée |
il vaut mieux que l'information soit inaccessible qu'elle soit délivrée à des tiers |
plus les résultats non nominatifs sont publiés, plus la confiance dans le système est établie |
En conséquence, les concepts mis en place ne peuvent être comparés!
Références
Dans les problèmes additionnels, j'ajouterais que l'on augmente la distance entre le citoyen et le processus de vote. A l'époque de l'isoloir, l'état organisait le vote mais le contrôle et le dépouillement se faisait par les citoyens. Maintenant avec le vote électronique et aussi, dans une moindre mesure avec le vote par correspondance, le citoyen ne contrôle plus le bon déroulement du vote mais constate le résultat. Il me semble que c'est à l'encontre de la démocratie participative où le citoyen est au centre.
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RolandDeMontmollin - 07 May 2010
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MarcSCHAEFER - 06 May 2010