La 5G est-elle bonne, mauvaise, utile, inutile ?

La 5G, une évolution des technologies sans fil d'opérateur

En préambule, il faut savoir que les technologies de télécommunications évoluent sans cesse. Derrière une appellation comme "5G" (5e génération de téléphonie mobile) se cachent certes des objectifs généraux à long terme, mais cela ne veut pas dire que c'est ce qui serait prochainement exploité par les opérateurs. Pour donner un exemple, un opérateur aux Etats-Unis a même renommé sa 4G/LTE (elle-même une technologie d'évolution à long terme, d'où son nom LTE, Long Term Evolution) en 5GE [1] .

Donc, les buts à terme de la 5G sont au nombre de 8 [2], que je synthétiserai comme suit:

  • assurer un débit maximum jusqu'à 10 GBit/s
  • assurer un délai (latence) max de 1 ms
  • mieux utiliser les fréquences disponibles grâce à diverses technologies de modulation très performantes
  • assurer une couverture universelle (donc plus d'antennes, en particulier vu certaines fréquences très élevées)
  • réduire de 90% les besoins énergétiques, p.ex. des systèmes IoT avec 10 ans de durée de batterie

Cet article [9] donne quelques noms de "flavors" de la 5G, pour des applications spécifiques.

Ces buts rendraient possibles simultanément des applications à grand débit (10 GBit/s c'est ce qu'on peut obtenir dans de rares cas en Suisse si l'on a l'a chance d'avoir la (vraie) fibre chez soi (FTTH) [3]), des applications à faible latence (surveillance, contrôle à distance, télécommande, etc) et des applications à faible consommation (Internet of Things, IoT sur batteries) p.ex. pour les smartmeters, le lean manufacturing, etc. En particulier pour ces applications IoT, la plupart sont déjà faisables avec d'autres protocoles existants, d'ailleurs parfois sans besoin d'opérateurs classiques, même sur grande distance, toutefois on ne peut nier l'envie des opérateurs classiques de ne pas perdre le marché et d'offrir des solutions clés-en-main.

En ce sens, la 5G pourrait remplacer les technologies d'accès Internet, les technologies du réseau local sans-fil (WiFi, la norme 6 en développement par exemple [7]), voire filaire, celles des réseaux IoT (LoRa p.ex.), etc. En particulier vu la possibilité (déjà existante avec la 4G/LTE) de créer des réseaux privés 5G, éventuellement gérés comme des slices d'une même infrastructure [11].

Du point de vue des opérateurs, c'est aussi la chance de tester des technologies, de moderniser leur réseau, et d'offrir une nouvelle abstraction de services réseaux et voire même une nouvelle architecture Internet (5G slices).

Toutefois, trois éléments à ne pas perdre de vue sont que l'entreprise qui a le plus contribué à la 5G, Huawei, et dont les solutions sont les plus matures, est aussi celle qui est actuellement la cible du gouvernement US, et que les investissements nécessaires sont colossaux pour atteindre ne serait-ce qu'une partie des 8 buts mentionnés; enfin, certaines critiques se font jour par rapport à une utilisation intensive des fréquences millimétriques (30-300 GHz) -- le principe de précaution pourrait limiter l'expansion en fréquence de la 5G.

En Suisse, pour le moment, les fréquences allouées ne sont pas très différentes de certaines générations précédentes: il n'y a pas pour le moment, à ma connaissance, d'essai dans les fréquences millimétriques: il n'y a que les transmissions entre satellites qui utilisent ces fréquences avec des puissances reçues sur Terre faibles [12].

Les questions

  1. que va apporter la 5G à la société ?
  2. quels sont les dangers dont on entend tant parler ?
  3. qu'en est-il réellement ?

Réponses:

Que va apporter la 5G à la société ?

La possibilité de déployer universellement des applications de type industrie 4.0, Internet of Things, smart-meter, etc, sans besoin pour chaque industrie de déployer ses propres technologies ou de faire usage de réseaux collaboratifs dont les ressources sont limitées; la promesse de pouvoir déployer des applications de contrôle à distance fiables; pour le reste, probablement permettre de déployer l'ensemble des applications que l'on a chez soi sur sa connexion filaire en sans-fil sans les problèmes de délai et de débit actuels; à long terme une intégration entre les technologies Internet et celles des opérateurs.

Quels sont les dangers dont on entend tant parler?

Il y a effectivement plusieurs types d'inquiétudes:
  • sécurité: les protocoles n'ont pas fait l'objet d'une sécurisation particulière: on regrettera que la sécurité est absente des 8 buts de la 5G, alors que les applications destinées à y être déployées en auraient bénéficié: le niveau de sécurité semble proche de la 4G, ce qui n'est pas une bonne nouvelle
  • géopolitique: les fabriquants maîtrisant actuellement la 5G sont majoritairement asiatiques, dont le Chinois Huawei en première position, ce qui cause des inquiétudes aux Etats-Unis (effet "Trump") et parmi leurs alliés (difficile de distinguer entre guerre commerciale et réel risque, d'autant plus que le risque de dépendance ou d'espionnage n'est pas non plus évité avec des fournisseurs US p.ex. dans d'autres cas [14])
  • politique: la 5G nécessitera dans ses buts finaux une densité d'antenne très importante: un risque d'opposition de la population existe pour des raisons variées: les risques aux fréquences actuelles ne sont pas prouvés: rappelons que si les puissances autorisées aux fréquences allouées aux opérateurs sont effectivement plus grandes que pour les applications en bandes publiques/partagées comme le WiFi, il ne s'agit pas, à ces fréquences, de rayonnement ionisant dangereux, mais, au mieux, d'un simple effet chauffant: le principe de précaution est de privilégier les téléphones avec DAS [5] faible, ne pas téléphoner trop longtemps, ou d'utiliser un main-libre pour éloigner son téléphone: la réglementation ORNI s'applique [6]; et de se rappeler que de téléphoner régulièrement avec un téléphone portable à l'oreille peut largement dépasser l'exposition à une distance légale d'une antenne ...
  • ondes: les fréquences millimétriques (dès 30 GHz) sont une terra incognita, mais ces fréquences ne semblent pas être exploitées en Suisse pour le moment, il n'y a pas de bases légales [13]
    • à ces fréquences, la propagation est à courte distance: peut-être les derniers 200 mètres (sans obstacles) vers l'abonné, d'où le potentiel de multiplication des antennes
    • certaines fréquences nouvelles
      • certains météorologues s'inquiètent de voir certains spectres de fréquence utilisés, toutefois le problème a déjà été résolu en WiFi (dans la plage des 5 GHz, les fréquences radar météo sont traitées spécialement avec le protocole DFS)
      • risques pour l'aviation suivant les fréquences?
    • comme ces fréquences n'existent pas naturellement certains médecins considèrent qu'elles constituent un risque [4], alors qu'elles pénètrent pourtant moins profondément même si ces fréquences sont largement inférieures à la limite de 300 GHz de l'ORNI [6]
    • ces fréquences sont bien évidemment au-dessous de celles du rayonnement solaire ou des rayonnement ionisants (dès les hautes fréquences ultraviolettes), dont le danger est lui reconnu
    • le ciblage pluri-antenne, qui permettra à terme à la 5G d'émettre en direction précise d'un équipement, n'est qu'à ses débuts (et il produit en moyenne une irradiation probablement plus faible: dans tous les cas, en Suisse, une norme de moyenne sur 6 minutes a été définie, en plus de la norme usuelle)
    • le smog électro-magnétique chez le récepteur (téléphone, équipements divers) est plus significatif que celui produit par les antennes (fonction de la distance)
  • écologique: relier les foyers en fibre optique, voire en solutions hybrides (CATV, FTTS), semble énergétiquement plus intéressant, même si la 5G sera plus performante sur ce point que la 4G et que l'investissement nécessaire est probablement moins important
  • et finalement la question du BESOIN: a-t-on vraiment besoin? ou est-ce un besoin artificiel (style le WAP ou les MMS) que les opérateurs télécom veulent imposer pour éviter de se faire remplacer par des solutions ne nécessitant pas d'opérateurs classiques (p.ex. pour l'IoT: LoRa, pour les applications informatiques: WiFi 6)

Compléments

Question générale du danger des ondes utilisées en télécom

Sur la question générale du danger des ondes utilisées en télécommunications

En résumé, s'il y a un risque (seul l'effet chauffant a été prouvé jusqu'ici), il est forcément côté utilisateur et des bonnes pratiques (distance au téléphone et aux autres équipements rayonnants, limiter la durée des conversations, etc) suffisent à le réduire encore de manière très significative.

Notons cet article intéressant de la WochenZeitung (interview d'un expert des antennes[8]) qui soutient que quelque soit la puissance des antennes, l'énergie reçue est un peu la même: en effet, la Suisse a des limites basses de puissance, donc plus d'antennes. La France de plus hautes limites, donc moins d'antennes. La somme est constante.

Rapport sur la 5G commission d'expert du gouvernement suisse 2019-12

Sources

Que dit le rapport ? (cf média ci-dessus pour la source)
  • objectifs: émettre des recommandations, par exemple pour la pose d'antenne: finalement il n'y en a pas eu: ce n'est pas une évaluation des risques sur la santé
  • propose en fait des mesures d'accompagnement (pas de valeurs limites différentes d'avant, etc)
  • les experts n'étaient pas d'accord: débat très politique (gel d'installation d'antennes dans certains cantons: NE, VD, GE, JU, etc)
  • l'avis du canton du Jura, qui attendait ce rapport pour décider de la poursuite du moratoire ou non
    • déception car trop grande attente chez certains
    • le cahier des charges était assez clair
    • aucun élément définitif et révolutionnaire, mais intéressant sur l'évolution des technologies et l'état des connaissances sur l'exposition de la population
    • notamment une présentation exhaustive de l'état des connaissances sur les effets des hautes fréquences (non ionisantes)
    • en ce qui concerne les valeurs limites ORNI
      • pas d'assouplissement (refusé précédemment)
      • pas d'accord parmi les options chez les experts, donc plusieurs options présentées
        • soit le status-quo
        • soit un durcissement de valeurs limites (proposition des médecins en faveur de l'environnement, car selon eux de plus en plus d'études montrent un danger)
        • soit un assouplissement, proposé par les opérateurs
      • pas de remise en cause du principe de précaution, mais l'interprétation varie ...
    • le problème du Jura: peut-on lever le moratoire ou non?
    • des antennes 5G ont été déjà installées car il s'agissait de sites d'antennes existants, mais les limites de puissances restent les mêmes
    • les valeurs limites ont toujours une valeur arbitraire, mais l'ORNI est un bon compromis
  • demande de l'intensification de la recherche et la création d'un service de consultation ORNI
  • le politique tranchera

Tests en Suisse

Fréquences
  • pour le moment pas de changement, utilisation de fréquences similaires à la 4G

Directionnalité
  • les antennes 5G peuvent être composées de sous-antennes qui envoient le signal principalement dans une direction privilégiée, ce qui permet de sélectivement augmenter le débit d'un équipement connecté; potentiellement si toutes les sous-antennes sont actives, la limitation de puissance maximale est violée (dès 64 sous-antennes: facteur 3, ou environ 5 dB, ce qui n'est pas très élevé)
  • pour le moment aucune volonté politique d'augmenter la puissance (la Suisse a plutôt des puissances faibles, voir ci-dessus le commentaire indiquant que l'exposition est similaire quelque soit les puissances, car à puissance plus faible, on augmente la densité d'antennes)
  • toutefois, on calculera désormais la puissance sur une moyenne de 6 minutes, ce qui signifie que localement et temporellement, la limitation de puissance maximale sera violée.

Mai 2022: rapport fédéral suisse sur 2021

Un rapport sur l'état actuel (voir ci-dessus, Tests en suisse) affirme que les puissances mesurées restent très inférieures aux limites.

Septembre 2020: la 5G chaufferait les insectes (probablement faux)

Un article de Nature prend quelques libertés avec les normes 5G actuelles et futures et imagine des fréquences dépassant 120 GHz (actuellement: < 6 GHz, similaire à la 4G ou à certaines fréquences du WiFi; dans le futur peut-être jusqu'à 60 GHz) et constate qu'à ces fréquences, certaines structures du vivant, notamment des insectes, sont d'une taille comparable à cette longueur d'onde, et donc pourraient être chauffés par cette longueur d'onde. D'autres hypothèses de la publication, comme la capacité dissipatrice d'énergie des insectes semblent curieuses.

En bref, pour le moment semble prématuré, et nécessite d'autres études. En 2022, la situation ne semble pas avoir confirmé ce rapport.

Références

Il s'agit d'un document initialement préparé pour une interview radio de Canal 3 / Bienne, qui est ensuite devenu un article pour la revue Swiss Engineering / RTS-UTS.

Merci à François Guillet pour avoir relevé la confusion entre la définition de l'ORNI et les fréquences ionisantes.

Topic revision: r27 - 15 Nov 2023, MarcSCHAEFER
This site is powered by FoswikiCopyright © by the contributing authors. All material on this collaboration platform is the property of the contributing authors.
Ideas, requests, problems regarding Foswiki? Send feedback